pour rencontrer un psychologue

( Martine Moreau, 2010 )

Nous avons conscience qu’il n’est pas facile de venir parler de soi, de ses problèmes internes : douleurs, échecs, remises en question … Mais les difficultés sont encore plus difficiles quand on est en situation de précarité, éloigné d’une consultation publique, que le paiement est un obstacle et que le réel se fait oppressant dans la vie quotidienne avec bien souvent une méconnaissance de son symptôme.

La structure associative nous a paru le cadre le plus judicieux pour porter notre projet. Le système associatif nous permet d’échapper au management débridé qui écrase les dispositifs institutionnels ; de résister aux processus de formatage, de « démarche qualité » et donc d’avoir une capacité d’invention, de perspectives innovantes.

Nous avons crée ( Emilia Tarquini et moi psychologues ) en 2001 une association que nous avons nommée LE PAS dont l’objectif est de faciliter une demande de rencontre d’une personne en prise avec le réel de la précarité, avec un psychanalyste ou un psychologue clinicien d’orientation analytique.

LE PAS,( Lieu d’Ecoute- parole, Aide, soutien) est un Lieu d’Ecoute de la Parole pour un sujet qui vient demander une Aide et un Soutien.

Nous voulons faciliter la personne à faire  « le pas » vers nous en ouvrant une consultation dans la cité. C’est aussi faire nous même «  le pas » par notre présence dans les quartiers ; connaître les travailleurs sociaux dits de terrain pour qu’ils soient des intermédiaires pour faciliter ce pas vers nous.

Une personne dans la précarité a-t-elle vraiment le choix et la possibilité de rencontrer un psychologue gratuitement sans passer obligatoirement par un lieu psychiatrique? A-t-elle le choix ? Peut-elle rencontrer quelqu’un prés de chez elle sans que l’aspect financier la fasse renoncer ?

L’association s’est orientée sur des espaces d’écoute de proximité dans les quartiers avec des consultations psychologiques dans des lieux accessibles, non spécifiquement psychiatriques, non médicalisés mais banalisés, totalement intégrés dans la cité.

A Nantes, nous avons mis en place un lieu d’écoute pour les quartiers Nantes Nord depuis septembre 2005 et nous avons ouvert en septembre 2009 un autre lieu nommé « écoute soutien habitants » pour le quartier de Malakoff et ses environs. Nous disposons gratuitement d’une salle d’attente et d’un bureau au centre socioculturel de la Petite Sensive et au centre socioculturel de Malakoff. Nous espérons créer des lieux d’écoute dans tous les quartiers d’habitat social de Nantes.

Nous avons retenu les principes suivants :

  • La proximité : un local choisi pour la consultation dans un quartier où réside cette population.
  • Un lieu non médicalisé : dans un centre socioculturel ou indépendant. Un lieu banalisé qui garantit l’anonymat au niveau du quartier.
  • Une écoute personnalisée : un accueil quel que soit le symptôme de la personne avec des séances thérapeutiques d’orientation analytique, sans limitation de durée.
  • Des séances, toujours le même jour si possible à la même heure, sans délai d’attente, avec le même psychologue.
  • Le principe d’un paiement symbolique et non lucratif choisi par la personne au premier entretien (minimum souhaité : un euro).

Si le fonctionnement de l’association est assuré par des bénévoles, le travail avec les personnes qui viennent consulter se fait avec des professionnels psychologues cliniciens d’orientation psychanalytique ou psychanalystes.

Nous n’exigeons pas d’adhésion pour les consultants mais une participation symbolique d’un minimum d’un euro à chaque séance rappelant le paiement des séances de psychanalyse, mais appliqué aux minima sociaux. Cela n’est pas sans incidence…Françoise Dolto demandait une bille à chaque séance à ses petits patients.

Nous sommes parfois en présence de patients qui ont un grand vide affectif et un transfert si fort que ce paiement rappelle la place du professionnel. Nous avons aussi des patients qui sont en précarité chronique d’une génération à l’autre, avec des épreuves traumatiques dans leur enfance et au cours de leur vie plus récente, avec une position de demande de réparation. La société leur doit, elle doit payer pour leur exclusion, leur privation. Le paiement symbolique se retourne en dette de la société envers eux. Il y a alors un travail à effectuer autour de la dette. Il peut hémerger alors la responsabilité du sujet dans son histoire et un point d’appui pour se sortir de la position de victime..

Les séances ne sont pas en nombre limité. Le temps, comme en psychanalyse est un paramètre important pour qu’un certain travail psychique puisse se faire. Nous voyons parfois des évolutions importantes. Mais on observe aussi des personnes en grande difficulté qui arrêtent brusquement sans prévenir et reviennent par intermittence durant l’année. Nous pensons qu’il ne faut surtout pas arrêter brusquement. Il y a un risque de plonger le sujet dans le désarroi. Au mieux le sujet peut poursuivre « ailleurs » son travail de psychothérapie mais c’est ignorer le transfert et la difficulté de recommencer avec un autre thérapeute. (Encore faut-il le trouver aux mêmes conditions : gratuité, hors médical!)

Il ne s’agit pas non plus de recevoir la personne une ou deux fois et de la renvoyer chez elle sous couvert d’une orientation vers un autre intervenant psychologue (problème du prix de la séance) ou vers un psychiatre qui ne pourra pas toujours répondre à une demande de psychothérapie d’orientation analytique faute de temps. L’orientation est souvent la porte ouverte aux subventions. Il est difficile de faire accepter cette notion de soins dans le temps. Cependant nous sommes obligés de poser une limite aux prise en charge portée à deux ans maximum pour une raison de financement et de turne over.